Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
257
consuelo.

commis une faute en lui montrant mes essais. Il me prit pour un ambitieux sans cervelle et un présomptueux impertinent.

— Et puis, dit Consuelo en interrompant le narrateur, les vieux précepteurs n’aiment pas les élèves qui ont l’air de comprendre plus vite qu’ils n’enseignent. Mais dites-moi votre nom, mon enfant.

— Je m’appelle Joseph.

— Joseph qui ?

— Joseph Haydn.

— Je veux me rappeler ce nom, afin de savoir un jour, si vous devenez quelque chose, à quoi m’en tenir sur l’aversion de votre maître, et sur l’intérêt que m’inspire votre histoire. Continuez-la, je vous prie. »

Le jeune Haydn reprit en ces termes, tandis que Consuelo, frappée du rapport de leurs destinées de pauvres et d’artistes, regardait attentivement la physionomie de l’enfant de chœur. Cette figure chétive et bilieuse prenait, dans l’épanchement du récit, une singulière animation. Ses yeux bleus pétillaient d’une finesse à la fois maligne et bienveillante, et rien dans sa manière d’être et de dire n’annonçait un esprit ordinaire.

LXV.

« Quoi qu’il en soit des causes de l’antipathie de maître Reuter, il me la témoigna bien durement, et pour une faute bien légère. J’avais des ciseaux neufs, et, comme un véritable écolier, je les essayais sur tout ce qui me tombait sous la main. Un de mes camarades ayant le dos tourné, et sa longue queue, dont il était très vain, venant toujours à balayer les caractères que je traçais avec de la craie sur mon ardoise, j’eus une idée rapide, fatale ! ce fut l’affaire d’un instant. Crac ! voilà mes ci-