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consuelo.

titude encore qu’il ne l’avait élevé ; puis, tendant la main à Consuelo, il l’aida en silence à franchir cette ruine, après quoi il la regarda attentivement, soupira étrangement, et, lui remettant trois clefs liées ensemble par un ruban rouge, il lui montra le chemin devant elle, en lui disant :

« Que celui à qui on a fait tort te salue !

— Ne veux-tu pas me servir de guide ? lui dit-elle. Conduis-moi vers ton maître. »

Zdenko secoua la tête en disant :

« Je n’ai pas de maître, j’avais un ami. Tu me le prends. La destinée s’accomplit. Va où Dieu te pousse ; moi, je vais pleurer ici jusqu’à ce que tu reviennes. »

Et, s’asseyant sur les décombres, il mit sa tête dans ses mains, et ne voulut plus dire un mot.

Consuelo ne s’arrêta pas longtemps pour le consoler. Elle craignait le retour de sa fureur ; et, profitant de ce moment où elle le tenait en respect, certaine enfin d’être sur la route du Schreckenstein, elle partit comme un trait. Dans sa marche incertaine et pénible, Consuelo n’avait pas fait beaucoup de chemin ; car Zdenko, se dirigeant par une route beaucoup plus longue mais inaccessible à l’eau, s’était rencontré avec elle au point de jonction des deux souterrains, qui faisaient, l’un par un détour bien ménagé, et creusé de main d’homme dans le roc, l’autre, affreux, bizarre, et plein de dangers, le tour du château, de ses vastes dépendances, et de la colline sur laquelle il était assis. Consuelo ne se doutait guère qu’elle était en cet instant sous le parc, et cependant elle en franchissait les grilles et les fossés par une voie que toutes les clefs et toutes les précautions de la chanoinesse ne pouvaient plus lui fermer. Elle eut la pensée, au bout de quelque trajet sur cette nouvelle route, de retourner sur ses pas, et de renoncer à une entreprise