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consuelo.

Enfin, Joseph réussit à articuler encore les mots de voleurs et d’assassins ; aussitôt les nobles voyageurs se firent ouvrir la voiture, et, s’avançant sur le marche-pied, regardèrent de tous côtés, étonnés de ne rien voir qui pût motiver une pareille alerte. Les brigands s’étaient cachés, et la campagne était déserte et silencieuse. Enfin, Consuelo, revenant à elle, leur parla ainsi, en s’arrêtant à chaque phrase pour respirer :

« Nous sommes deux pauvres musiciens ambulants ; nous avons été enlevés par des hommes que nous ne connaissons pas, et qui, sous prétexte de nous rendre service, nous ont fait monter dans leur voiture et voyager toute la nuit. Au point du jour, nous nous sommes aperçus qu’on nous trompait, et qu’on nous menait vers le nord, au lieu de suivre la route de Vienne. Nous avons voulu fuir ; ils nous ont menacés, le pistolet à la main. Enfin, ils se sont arrêtés dans les bois que voici, nous nous sommes échappés, et nous avons couru vers votre voiture. Si vous nous abandonnez ici, nous sommes perdus ; ils sont à deux pas de la route, l’un dans les buissons, les autres dans le bois.

— Combien sont-ils donc ? demanda un des courriers.

— Mon ami, dit en français un des voyageurs auquel Consuelo s’était adressée parce qu’il était plus près d’elle, sur le marchepied, apprenez que cela ne vous regarde pas. Combien sont-ils ? voilà une belle question ! Votre devoir est de vous battre si je vous l’ordonne, et je ne vous charge point de compter les ennemis.

— Vraiment, voulez-vous vous amuser à pourfendre ? reprit en français l’autre seigneur ; songez, baron, que cela prend du temps.

— Ce ne sera pas long, et cela nous dégourdira. Voulez-vous être de la partie, comte ?

— Soit ! si cela vous amuse. Et le comte prit avec une