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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/46

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consuelo.

est l’être qui porte ton nom et qui revêt parfois ta figure ? Non, tu n’existes qu’en moi, et c’est mon délire qui t’a créé ! ».

Albert retomba sur ses bras étendus, qui se raidirent et devinrent froids comme le marbre.

Consuelo le voyait approcher de la crise léthargique, et se sentait elle-même si épuisée, si prête à défaillir, qu’elle craignait de ne pouvoir plus conjurer cette crise. Elle essaya de ranimer les mains d’Albert dans ses mains qui n’étaient guère plus vivantes.

« Mon Dieu ! dit-elle d’une voix éteinte et avec un cœur brisé, assiste deux malheureux qui ne peuvent presque plus rien l’un pour l’autre ! »

Elle se voyait seule, enfermée avec un mourant, mourante elle-même, et ne pouvant plus attendre de secours pour elle et pour lui que de Zdenko dont le retour lui semblait encore plus effrayant que désirable.

Sa prière parut frapper Albert d’une émotion inattendue.

« Quelqu’un prie à côté de moi, dit-il en essayant de soulever sa tête accablée. Je ne suis pas seul ! oh non, je ne suis pas seul, ajouta-t-il en regardant la main de Consuelo enlacée aux siennes. Main secourable, pitié mystérieuse, sympathie humaine, fraternelle ! tu rends mon agonie bien douce et mon cœur bien reconnaissant ! »

Il colla ses lèvres glacées sur la main de Consuelo, et resta longtemps ainsi.

Une émotion pudique rendit à Consuelo le sentiment de la vie. Elle n’osa point retirer sa main à cet infortuné ; mais, partagée entre son embarras et son épuisement, ne pouvant plus se tenir debout, elle fut forcée de s’appuyer sur lui et de poser son autre main sur l’épaule d’Albert.