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consuelo.

faisant son écolier maladroit et en bondissant sur sa chaise, avec tous les symptômes d’une indignation terrible qu’il n’éprouvait pas le moins du monde, mais qu’il croyait nécessaire à la puissance et à l’entrain magistral de son caractère. »

Consuelo se moqua de lui pendant un bon quart d’heure, et, quand elle en eut assez, elle chanta le trille avec toute la netteté dont elle était capable.

« Bravo ! bravissimo ! s’écria le comte en se renversant sur sa chaise. Enfin ! c’est parfait ! Je savais bien que je vous le ferais faire ! qu’on me donne le premier paysan venu, je suis sûr de le former et de lui apprendre en un jour ce que d’autres ne lui apprendraient pas dans un an ! Encore cette phrase, et marque bien toutes les notes. Avec légèreté, sans avoir l’air d’y toucher… C’est encore mieux, on ne peut mieux ! Nous ferons quelque chose de toi ! »

Et le comte s’essuya le front quoiqu’il n’y eût pas une goutte de sueur.

« Maintenant, reprit-il, la cadence avec chute et tour de gosier ! Il lui donna l’exemple avec cette facilité routinière que prennent les moindres choristes à force d’entendre les premiers sujets, n’admirant dans leur manière que les jeux du gosier, et se croyant aussi habiles qu’eux parce qu’ils parviennent à les contrefaire. Consuelo se divertit encore à mettre le comte dans une de ces grandes colères de sang-froid qu’il aimait à faire éclater lorsqu’il galopait sur son dada, et finit par lui faire entendre une cadence si parfaite et si prolongée qu’il fut forcé de lui crier :

« Assez, assez ! C’est fait ; vous y êtes maintenant. J’étais bien sûr que je vous en donnerais la clef ! Passons donc à la roulade, vous apprenez avec une facilité admirable, et je voudrais avoir toujours des élèves comme vous. »