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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/154

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consuelo.

objets passèrent inaperçus, grâce à la préoccupation du Porpora : les dentelles et le linge entrèrent discrètement par petites portions dans son armoire, et lorsqu’il semblait les regarder sur lui avec quelque attention, Consuelo s’attribuait l’honneur de les avoir reprisés avec soin. Pour donner plus de vraisemblance au fait, elle raccommodait sous ses yeux quelques-unes des anciennes hardes et les entremêlait avec les autres.

« Ah çà, lui dit un jour le Porpora en lui arrachant des mains un jabot qu’elle recousait, voilà assez de futilités ! Une artiste ne doit pas être une femme de ménage, et je ne veux pas te voir ainsi tout le jour courbée en deux, une aiguille à la main. Serre-moi tout cela, ou je le jette au feu ! Je ne veux pas non plus te voir autour des fourneaux faisant la cuisine, et avalant la vapeur du charbon. Veux-tu perdre la voix ? veux-tu te faire laveuse de vaisselle ? veux-tu me faire damner ?

— Ne vous damnez pas, répondit Consuelo ; vos effets sont en bon état maintenant, et ma voix est revenue.

— À la bonne heure ! répondit le maestro ; en ce cas, tu chantes demain chez la comtesse Hoditz, margrave douairière de Bareith. »

LXXXVII.

La margrave douairière de Bareith, veuve du margrave George-Guillaume, née princesse de Saxe-Weissenfeld, et en dernier lieu comtesse Hoditz, « avait été belle comme un ange, à ce qu’on disait. Mais elle était si changée, qu’il fallait étudier son visage pour trouver les débris de ses charmes. Elle était grande et paraissait avoir eu la taille belle ; elle avait tué plusieurs de ses enfants, en se faisant avorter, pour conserver cette belle taille ; son visage était fort long, ainsi que son