ce qui nous occupe, et qu’il veut nous honorer de son approbation ?
— Passe à ma droite, Beppo, dit la jeune fille en lui faisant un signe d’intelligence. Tu impatientes le maître avec tes maladresses. » Puis s’adressant au Porpora :
« Tout ce que vous dites là est l’effet d’un noble délire, mon ami, reprit-elle ; mais cela ne répond point à ma pensée, et les enivrements de l’orgueil n’adoucissent pas la plus petite blessure du cœur. Peu m’importe d’être née reine et de ne pas régner. Plus je vois les grands, plus leur sort m’inspire de compassion…
— Eh bien, n’est-ce pas là ce que je te disais ?
— Oui, mais ce n’est pas là ce que je vous demandais. Ils sont avides de paraître et de dominer. Là est leur folie et leur misère. Mais nous, si nous sommes plus grands, et meilleurs, et plus sages qu’eux, pourquoi luttons-nous d’orgueil à orgueil, de royauté à royauté avec eux ? Si nous possédons des avantages plus solides, si nous jouissons de trésors plus désirables et plus précieux, que signifie cette petite lutte que nous leur livrons, et qui, mettant notre valeur et nos forces à la merci de leurs caprices, nous ravale jusqu’à leur niveau ?
— La dignité, la sainteté de l’art l’exigent, s’écria le maestro. Ils ont fait de la scène du monde une bataille et de notre vie un martyre. Il faut que nous nous battions, que nous versions notre sang par tous les pores, pour leur prouver, tout en mourant à la peine, tout en succombant sous leurs sifflets et leurs mépris, que nous sommes des dieux, des rois légitimes tout au moins, et qu’ils sont de vils mortels, des usurpateurs effrontés et lâches !
— Ô mon maître ! comme vous les haïssez ! dit Consuelo en frissonnant de surprise et d’effroi : et pourtant vous vous courbez devant eux, vous les flattez, vous les