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consuelo.

Vobser, une récompense de quatre mille ducats pour déshonorer sa fille ; et elle introduisit elle-même ce misérable la nuit dans la chambre de la princesse. Ses domestiques étaient avertis et gagnés, le palais fut sourd aux cris de la jeune fille, la mère tenait la porte… Ô Consuelo ! tu frémis, et pourtant ce n’est pas tout. La princesse de Culmbach devint mère de deux jumeaux : la margrave les prit dans ses mains, les porta à son époux, les promena dans son palais, les montra à toute sa valetaille, en criant : « Voyez, voyez les enfants que cette dévergondée vient de mettre au monde ! » Et au milieu de cette scène affreuse, les deux jumeaux périrent presque dans les mains de la margrave. Vobser eut l’imprudence d’écrire au margrave pour réclamer les quatre mille ducats que la margrave lui avait promis. Il les avait gagnés, il avait déshonoré la princesse. Le malheureux père, à demi imbécile déjà, le devint tout à fait dans cette catastrophe, et mourut de saisissement et de chagrin quelque temps après. Vobser, menacé par les autres membres de la famille, prit la fuite. La reine de Pologne ordonna que la princesse de Culmbach serait enfermée à la forteresse de Plassenbourg. Elle y entra, à peine relevée de ses couches, y passa plusieurs années dans une rigoureuse captivité, et y serait encore, si des prêtres catholiques, s’étant introduits dans sa prison, ne lui eussent promis la protection de l’impératrice Amélie, à condition qu’elle abjurerait la foi luthérienne. Elle céda à leurs insinuations et au besoin de recouvrer sa liberté ; mais elle ne fut élargie qu’à la mort de la reine de Pologne ; le premier usage qu’elle fit de son indépendance fut de revenir à la religion de ses pères. La jeune margrave de Bareith, Wilhelmine de Prusse, l’accueillit avec aménité dans sa petite cour. Elle s’y est fait aimer et respecter par ses vertus, sa douceur et sa sagesse.