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consuelo.

froides et pâles en comparaison ; mais quand on s’en éloigne brisé de lassitude, on s’effraie d’avoir subi cette épreuve du feu, et le désir qui vous y ramène est traversé par l’épouvante. Je m’imagine que l’acrobate est le type de cette vie pénible, ardente et périlleuse. Il doit éprouver un plaisir nerveux et terrible sur ces cordes et ces échelles où il accomplit des prodiges au-dessus des forces humaines ; mais lorsqu’il en est descendu vainqueur, il doit se sentir défaillir à l’idée d’y remonter, et d’étreindre encore une fois la mort et le triomphe, spectre à deux faces qui plane incessamment sur sa tête.

Alors le château des Géants, et jusqu’à la pierre d’épouvante, ce cauchemar de toutes ses nuits, apparurent à Consuelo, à travers le voile d’un exil consommé, comme un paradis perdu, comme le séjour d’une paix et d’une candeur à jamais augustes et respectables dans son souvenir. Elle attacha la branche de cyprès, dernière image, dernier envoi de la grotte hussitique, aux pieds du crucifix de sa mère, et, confondant ensemble ces deux emblèmes du catholicisme et de l’hérésie, elle éleva son cœur vers la notion de la religion unique, éternelle, absolue. Elle y puisa le sentiment de la résignation à ses maux personnels, et de la foi aux desseins providentiels de Dieu sur Albert, et sur tous les hommes, bons et mauvais, qu’il lui fallait désormais traverser seule et sans guide.

XCIX.

Un matin, le Porpora l’appela dans sa chambre plus tôt que de coutume. Il avait l’air rayonnant, et il tenait une grosse et grande lettre d’une main, ses lunettes de l’autre. Consuelo tressaillit et trembla de tout son corps, s’imaginant que c’était enfin la réponse de Riesenburg.