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consuelo.

aise, jeune homme : notre messe ne se dit pas avec un violon et une flûte. Oui-da ! c’est une affaire grave, et vous n’êtes pas au courant de nos partitions.

— Nous nous y mettrons dès ce soir, dit Joseph en affectant un air de supériorité dédaigneuse qui imposa aux auditeurs groupés autour de lui.

— Voyons, dit Consuelo, conduisez-nous à l’église ; que quelqu’un souffle l’orgue, et si vous n’êtes pas content de notre manière d’en jouer, vous serez libres de refuser notre assistance.

— Mais la partition, le chef-d’œuvre d’arrangement de Gottlieb !

— Nous irons trouver Gottlieb, et s’il ne se déclare pas content de nous, nous renonçons à nos prétentions. D’ailleurs, une blessure au doigt n’empêchera pas Gottlieb de faire marcher ses chœurs et de chanter sa partie. »

Les anciens du village, qui s’étaient rassemblés autour d’eux, tinrent conseil, et résolurent de tenter l’épreuve. Le bal fut abandonné : la messe du chanoine était un bien autre amusement, une bien autre affaire que la danse !

Haydn et Consuelo, après s’être essayés alternativement sur l’orgue, et après avoir chanté ensemble et séparément, furent jugés des musiciens fort passables, à défaut de mieux. Quelques artisans osèrent même avancer que leur jeu était préférable à celui de Gottlieb, et que les fragments de Scarlatti, de Pergolèse et de Bach, qu’on venait de leur faire entendre, étaient pour le moins aussi beaux que la musique de Holzbaüer, dont Gottlieb ne voulait pas sortir. Le curé, qui était accouru pour écouter, alla jusqu’à déclarer que le chanoine préférerait beaucoup ces chants à ceux dont on le régalait ordinairement. Le sacristain, qui ne goûtait pas cet avis, hocha tristement la tête ; et pour ne pas mécontenter ses paroissiens, le curé consentit à ce que les deux virtuoses