Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
consuelo.

maestro Hoditz-Roswald n’est-il pas ici pour faire fonctionner ces machines ? Il se donnerait beaucoup de mal, ne servirait à rien, et serait le plus content du monde.

Le solo de voix d’homme inquiétait bien des gens, Joseph s’en tira à merveille : mais quand vint celui de Consuelo, cette manière italienne les étonna d’abord, les scandalisa un peu, et finit par les enthousiasmer. La cantatrice se donna la peine de chanter de son mieux, et l’expression de son chant large et sublime transporta Joseph jusqu’aux cieux.

« Je ne peux croire, lui dit-il, que vous ayez jamais pu mieux chanter que vous venez de le faire pour cette pauvre messe de village.

— Jamais, du moins, je n’ai chanté avec plus d’entrain et de plaisir, lui répondit-elle. Ce public m’est plus sympathique que celui d’un théâtre. Maintenant laisse-moi regarder de la tribune si M. le chanoine est content. Oui, il a tout à fait l’air béat, ce respectable chanoine ; et à la manière dont tout le monde cherche sur sa physionomie la récompense de ses efforts, je vois bien que le bon Dieu est le seul ici dont personne ne songe à s’occuper.

— Excepté vous, Consuelo ! la foi et l’amour divin peuvent seuls inspirer des accents comme les vôtres. »

Quand les deux virtuoses sortirent de l’église après la messe, il s’en fallut de peu que la population ne les portât en triomphe jusqu’au presbytère, où un bon déjeuner les attendait. Le curé les présenta à M. le chanoine, qui les combla d’éloges et voulut entendre encore après-boire le solo du Porpora. Mais Consuelo, qui s’étonnait avec raison que personne n’eût reconnu sa voix de femme, et qui craignait l’œil du chanoine, s’en défendit, sous prétexte que les répétitions et sa coopération active à toutes les parties du chœur l’avaient beaucoup fatiguée.