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consuelo.

On gagna rapidement Beraum et on atteignit Pilsen au lever du jour.

CIV.

De Pilsen à Tauss, quoiqu’on marchât aussi vite que possible, il fallut perdre beaucoup de temps dans des chemins affreux, à travers des forêts presque impraticables et assez mal fréquentées, dont le passage n’était pas sans danger de plus d’une sorte. Enfin, après avoir fait un peu plus d’une lieue par heure, on arriva vers minuit au château des Géants. Jamais Consuelo ne fit de voyage plus fatigant et plus lugubre. Le baron de Rudolstadt semblait près de tomber en paralysie, tant il était devenu indolent et podagre. Il n’y avait pas un an que Consuelo l’avait vu robuste comme un athlète ; mais ce corps de fer n’était point animé d’une forte volonté. Il n’avait jamais obéi qu’à des instincts, et au premier coup d’un malheur inattendu il était brisé. La pitié qu’il inspirait à Consuelo augmentait ses inquiétudes. « Est-ce donc ainsi que je vais retrouver tous les hôtes de Riesenburg ? » pensait-elle.

Le pont était baissé, les grilles ouvertes, les serviteurs attendaient dans la cour avec des flambeaux. Aucun des trois voyageurs ne songea à en faire la remarque ; aucun ne se sentit la force d’adresser une question aux domestiques. Le Porpora, voyant que le baron se traînait avec peine, le prit par le bras pour l’aider à marcher, tandis que Consuelo s’élançait vers le perron et en franchissait rapidement les degrés.

Elle y trouva la chanoinesse, qui, sans perdre de temps à lui faire accueil, lui saisit le bras en lui disant :

« Venez, le temps presse ; Albert s’impatiente. Il a