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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/81

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consuelo.

pondit Consuelo ; car vos fleurs chantent mieux que moi.

— Que dis-tu ? mes fleurs chantent ? Je ne les ai jamais entendues.

— C’est que vous ne les avez jamais écoutées. Moi, je les ai entendues ce matin, j’ai surpris leurs mystères, et j’ai compris leur mélodie.

— Tu es un étrange enfant, un enfant de génie ! s’écria le chanoine en caressant la tête brune de Consuelo avec une chasteté paternelle ; tu portes la livrée de la misère, et tu devrais être porté en triomphe. Mais qui es-tu, dis-moi, où as-tu appris ce que tu sais ?

— Le hasard, la nature, monsieur le chanoine !

— Ah ! tu me trompes, dit malignement le chanoine, qui avait toujours le mot pour rire ; tu es quelque fils de Caffarelli ou de Farinello ! Mais, écoutez, mes enfants, ajouta-t-il d’un air sérieux et animé : je ne veux plus que vous me quittiez. Je me charge de vous ; restez avec moi. J’ai de la fortune, je vous en donnerai. Je serai pour vous ce que Gravina a été pour Metastasio. Ce sera mon bonheur, ma gloire. Attachez-vous à moi ; il ne s’agira que d’entrer dans les ordres mineurs. Je vous ferai avoir quelques jolis bénéfices, et après ma mort vous trouverez quelques bonnes petites économies que je ne prétends pas laisser à cette harpie de Brigide. »

Comme le chanoine disait cela, Brigide entra brusquement et entendit ses dernières paroles.

« Et moi, s’écria-t-elle d’une voix glapissante et avec des larmes de rage, je ne prétends pas vous servir davantage. C’est assez longtemps sacrifier ma jeunesse et ma réputation à un maître ingrat.

— Ta réputation ? ta jeunesse ? interrompit moqueusement le chanoine sans se déconcerter. Eh ! tu te flattes, ma pauvre vieille ; ce qu’il te plaît d’appeler l’une protège l’autre.