Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/216

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que les eaux obstinées les eussent emportés ou broyés.

Rien n’est philosophe et résigné comme un caillou. Celui dont j’essaye de vous dire l’histoire n’était plus représenté un peu dignement que par un des huit morceaux, lequel était encore gros comme votre tête, et, à peu près aussi rond, vu que les eaux qui avaient émietté les autres, l’avaient roulé longtemps. Soit qu’il eût eu plus de chance, soit qu’on eût eu des égards pour lui, il était arrivé beau, luisant et bien poli jusqu’à la porte d’une hutte de roseaux où vivaient d’étranges personnages.

C’était des hommes sauvages, vêtus de peaux de bêtes, portant de longues barbes et de longs cheveux, faute de ciseaux pour les couper, ou parce qu’ils se trouvaient mieux ainsi, et peut-être n’avaient-ils pas tort. Mais, s’ils n’avaient pas encore inventé les ciseaux, ce dont je ne suis pas sûr, ces hommes primitifs n’en étaient pas moins d’habiles couteliers. Celui qui habitait la hutte était même un armurier recommandable.

Il ne savait pas utiliser le fer, mais les cailloux