Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arbres font comme vous, mon chêne du moins sait ce qu’il veut et ce qu’il dit.

La vieille haussa les épaules, ramassa sa besace et s’éloigna en reprenant son rire d’idiote.

Emmi se demanda si elle jouait un rôle ou si elle avait des moments lucides. Il la laissa partir et la suivit, en se glissant d’arbre en arbre sans qu’elle s’en aperçût. Elle n’allait pas vite et marchait le dos courbé, la tête en avant, la bouche entr’ouverte, l’œil fixé droit devant elle ; mais cet air exténué ne l’empêchait pas d’avancer toujours sans se presser ni se ralentir, et elle traversa ainsi la forêt pendant trois bonnes heures de marche, jusqu’à un pauvre hameau perché sur une colline derrière laquelle d’autres bois s’étendaient à perte de vue. Emmi la vit entrer dans une méchante cahute isolée des autres habitations, qui, pour paraître moins misérables, n’en étaient pas moins un assemblage de quelques douzaines de taudis. Il n’osa pas s’aventurer plus loin que les derniers arbres de la forêt et revint sur ses pas, bien convaincu que, si la Catiche avait un chez elle, il était