Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/139

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rappelles donc pas ton cousin Mélidor de Puypercé ? Il est vrai que tu étais toute petite quand il est parti simple officier. À présent qu’il a vingt ans, ses parents lui ont donné un régiment, et tu vois un colonel de dragons. Embrassez-vous, mes enfants, et soyez bons amis comme autrefois.

Marguerite se souvint alors de ce cousin qu’elle n’avait jamais pu souffrir, parce qu’il était taquin et désœuvré. Pourtant, comme elle était sans rancune, elle lui tendit sa joue, qu’il toucha du bout des lèvres avec un air de moquerie qui lui fit de la peine. Elle pensa qu’il était ingrat, ou qu’il ne se souvenait plus de toutes les méchancetés qu’il avait à se faire pardonner.

Cependant il reprit la conversation, et elle l’écouta bouche bée, car il racontait des merveilles de Paris, des spectacles, des fêtes et des bals où il s’était distingué. Il parlait de la mode et des toilettes, et paraissait si au courant et si bon juge des parures de femme, que Marguerite fut toute honteuse de sa petite robe d’indienne à fleurs rouges et du maigre ruban vert qui retenait ses beaux cheveux. Pour lui, il ne faisait aucune attention au dépit qu’il lui causait, et madame Yolande ne paraissait point trouver son petit-neveu aussi frivole qu’il l’était. Elle souriait en écoutant ses niaiseries, comme si elle eût pris plaisir à se rappeler le temps où elle faisait grande figure dans le monde. On servit le dîner. M. de Puypercé trouva tout fort médiocre, même les pâtisseries que Marguerite faisait fort bien et que tous les hôtes de la maison avaient coutume d’apprécier. Il méprisa