Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/147

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ou bien ce sera un garçon aussi vilain que moi, et tout le monde dira : Elle ne pouvait trouver mieux. Est-il défendu de mettre son amour-propre à se promener au bras d’un joli mari et d’entendre dire : Margot a une figure de grenouille, mais elle a tout de même plu à ce beau monsieur, à ce colonel si bien poudré, si bien habillé, qui pouvait choisir parmi les plus belles ! Je ne veux pas quitter ma grand’mère. Eh bien ! s’il m’aime, il consentira à me laisser auprès d’elle, et il viendra nous voir souvent. Allons ! puisqu’elle me laisse libre, c’est à moi de me décider avant demain matin. Si je le laisse partir, il sera fâché et ne viendra plus ; si je lui écrivais une lettre, qu’on lui remettra sitôt le jour venu ? Mais je n’ose point. Pourquoi a-t-il eu si peur de mon cygne, et pourquoi le cygne était-il si furieux contre lui ? Il est très-bizarre, mon cousin ; pourquoi a-t-il tant ri quand j’ai dit à la grenouille… ?

Marguerite était fatiguée, elle s’endormit sur sa chaise ; elle se leva pour se tenir éveillée, et tout à coup elle se trouva, sans savoir comment, dans les douves, au bord d’un des bassins de marbre que la lune éclairait. Elle fut surprise de voir que de grands roseaux qu’elle n’avait jamais remarqués avaient poussé tout autour et jusque dans l’eau, et comme elle s’asseyait toute lasse et assoupie sur un banc de gazon, la reine Coax sauta auprès d’elle et lui parla ainsi : — Margot, vous êtes une bonne personne, vous avez empêché qu’on ne m’ôtât la vie. Je vous veux donner un bon conseil, c’est pour cela que je suis sortie de mon palais de la prairie pour venir