Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/224

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avant de bouger et fut très-effrayé d’un bruit singulier. Il s’imagina que c’était le terrible pas du tailleur qui faisait crier le sable au-dessous de lui ; et puis, comme cela ressemblait par moments à une étoffe qu’on déchire, il pensa encore au tailleur déchirant les étoffes avant d’y mettre ses terribles ciseaux. Mais cela recommençait toujours sans augmenter ni diminuer de force et de vitesse, sans se rapprocher et sans jamais s’arrêter. C’était la mer brisant au bas de la grève. Clopinet ne connaissait pas ce bruit-là ; il essaya de voir et s’assura, aussi bien que possible dans l’obscurité, que personne autre que lui n’était dans ce désert. C’était pour lui un lieu incompréhensible. D’où il était, en sortant la tête des buissons, il voyait un grand demi-cercle de dunes dont il ne pouvait distinguer les plis et les ressauts, et qui lui paraissait être une immense muraille ébréchée s’écroulant dans le vide. Ce vide, c’était la mer ; mais, comme il ne s’en faisait aucune idée et que la brume du soir lui cachait l’horizon, il ne la distinguait pas du ciel et s’étonnait seulement de voir des étoiles dans le haut et de singulières clartés dans le bas. Était-ce des éclairs de chaleur ? Mais comment se trouvaient-ils sous ses pieds ? Comment comprendre tout cela quand on n’a rien vu, pas même une grande rivière ou une petite montagne ? Clopinet marcha un peu dans les grosses herbes sans oser descendre plus bas, il avait peur et il avait faim. — Il faut, se dit-il, que je cherche un endroit pour dormir, car au petit jour je veux demander le chemin de chez nous et retourner voir si