Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/240

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grins en se sentant enfin ballotté sur cette grande eau qu’il aimait tant. — C’est pourtant un gars solide, disait Laquille en rentrant ; il n’a peur de rien, il n’est pas malade en mer, et même il a le pied marin. Si je pouvais le garder, j’en ferais quelque chose.

Madame Laquille ne répondit rien ; mais, quand la nuit fut venue et que tous les enfants furent couchés, Clopinet, qui ne dormait pas, car l’inquiétude le tenait éveillé, entendit la femme au bonnet de coton dire à son mari : — En voilà assez ! Le tailleur doit passer ici demain matin pour aller chercher des marchandises à Honfleur ; j’entends que tu lui rendes son apprenti ; il saura bien le mettre à la raison. Il n’y a rien de tel pour rendre les enfants gentils que de les fouailler jusqu’au sang.

Laquille baissa la tête, soupira et ne répondit point. Clopinet vit que son sort était décidé, et que, pas plus que sa mère, son oncle ne le préserverait du tailleur. Alors, résolu à se sauver, il attendit que tout le monde fût endormi et se leva tout doucement. Il mit ses habits, prit son paquet qui lui servait d’oreiller et s’assura que son argent était dans sa poche, se disposant à quitter son lit. C’était un drôle de lit, je dois vous le dire. Comme tous les enfants de Laquille étaient couchés bien serrés avec le père et la mère dans les deux seules couchettes qu’il y eût dans la maison, on avait mis une botte d’algues pour Clopinet dans une petite soupente qui donnait contre une lucarne et où il fallait monter avec une échelle. Il allongea donc un pied dans l’obscurité pour trouver le barreau de cette échelle ; mais il ne