Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’était une voix grêle et cassée, toute pareille à celle du tailleur au moment où il avait dit : dix-huit, dix-huit,… va pour dix-huit ! — Il était donc là ! il avait découvert la retraite de son apprenti, il allait l’emporter ? Clopinet éperdu sauta de son lit de rocher. Quelque chose tourbillonna bruyamment autour de lui et sortit de la grotte en répétant d’une voix aigre qui se perdit dans l’éloignement : dix-huit,… dix-huit !…

Le tailleur était donc venu là, peut-être pour s’y réfugier contre l’orage ? il n’avait pas vu Clopinet endormi, et à son réveil il en avait eu peur, puisqu’il se sauvait ! Cette idée que le tailleur était poltron, peut-être plus poltron que lui, enhardit singulièrement Clopinet. Il se recoucha avec son bâton à côté de lui, résolu à taper ferme, si l’ennemi revenait.

Quand il eut sommeillé un bout de temps, il s’éveilla encore ; l’orage avait passé, la lune brillait sur le gazon, à l’entrée de la grotte. Il avait plu, et les feuillages qui pendaient devant l’ouverture reluisaient comme des diamants verts. Alors Clopinet fut très-étonné d’entendre, dans le calme de la nuit, le mugissement du taureau, le bêlement des chèvres et l’aboiement des chiens à très-peu de distance. Il écouta, et cela se répéta si souvent qu’en fermant les yeux il aurait juré qu’il était dans sa maison et qu’il entendait ses bêtes. Pourtant il était bien dans sa grotte et dans le désert ; comment une habitation et des troupeaux pouvaient-ils se trouver si près de lui ?

D’abord ces bruits lui furent agréables, ils adoucissaient l’effroi de la solitude ; mais le dix-huit se fit