Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/270

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chaient sur ses genoux, mangeaient dans sa main, et le suivaient jusqu’au bord de la dune quand il les quittait.

Il prit tant de plaisir à cette occupation qu’il ne s’ennuyait plus du tout. Il commençait à aimer ces oiseaux sauvages comme il n’avait jamais aimé ses pigeons et ses poules ; il méprisait ces amitiés banales et se sentait fier d’avoir apprivoisé des animaux méfians, dont les gens du pays cherchaient en vain la retraite et ne pouvaient approcher. Il se prit aussi d’affection pour tous les autres oiseaux, car il s’aperçut que, semant du pain partout dans ses promenades, marchant posément et sans bruit, n’attaquant et n’effrayant aucun d’eux, il arrivait à ne plus les mettre en fuite et à les voir se poser, voltiger et s’ébattre tout près de lui. Il se reprocha le meurtre de la perdrix de mer, et s’en alla acheter du fromage et de la viande, afin de ne plus être tenté de tuer les compagnons de sa solitude.

Il n’alla pas faire ses provisions à Villers, où il craignait d’être reconnu, tourmenté, et peut-être suivi par le boulanger. Il avait remarqué un hameau plus proche, puisqu’il est situé sur la dune même, du côté où elle s’abaisse vers la terre ferme. Je crois que ce hameau s’appelle Auberville. Il y trouva tout ce qu’il souhaitait et même des pommes bien conservées qu’il paya cher. Il n’était pas assez raisonnable pour ne pas faire quelques folies. Il y but un pichet de cidre ; il l’aimait tant ! Il eut bien soin de ne pas arborer son aigrette et de ne point causer inutilement. Il avait désormais deux secrets à garder,