Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/276

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ne refusera de t’embarquer, et tu peux t’en aller dans les pays lointains où il y a des oiseaux bien autrement rares et superbes que tes roupeaux : des paille-en-queue, des aigrettes blanches d’Amérique, des oiseaux de paradis, des phénix qui renaissent de leurs cendres, des condors qui enlèvent des bœufs, et cent autres dont tu n’as pas seulement l’idée.

— C’est vrai que c’est là ce qui me manque, reprit l’enfant. Je ne sais rien, et il faudrait savoir.

— On apprend tout en voyageant.

Cette belle parole de l’oncle ne persuada pas beaucoup le neveu. Laquille avait fait le tour du monde sans avoir appris à lire, et Clopinet commençait à voir, en causant avec lui, qu’il avait les notions les plus fausses sur les choses les plus simples, comme de croire que certains oiseaux ne mangeaient pas et vivaient de l’air du temps, que d’autres ne se reproduisaient pas et naissaient des anatifes, mollusques à tubercules qui s’attachent à la carène des navires. Clopinet avait l’esprit très-romanesque, il croyait volontiers aux oiseaux fées, c’est-à-dire aux génies prenant des formes et des voix d’oiseau ; mais il avait déjà trop observé les lois de la vie pour partager les erreurs et préjugés de son oncle.

Pourtant l’idée de voyager le tentait bien. Pour se désennuyer dans sa solitude, il avait tant rêvé de voyages au long cours ! Laquille lui conseillait d’aller à Honfleur et de prendre passage sur quelque bâtiment partant pour l’Angleterre, il y en avait toujours. Les grèbes nichaient par là, et Clopinet en