Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/317

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sonne autre que moi ne sait entendre. On croit et on dit que les oiseaux font entendre des cris d’amour ou de peur, de colère ou d’inquiétude, qui ne s’adressent jamais aux êtres d’une autre espèce, et que les hommes n’ont pas besoin de comprendre. C’est possible ; mais comme il y en a que je comprends et qui me disent ce que je dois faire quand j’hésite devant mon devoir, je pense qu’il y a autour de nous de bons génies qui prennent à nos yeux certaines formes et empruntent certaines voix pour nous montrer leur amitié et nous bien conduire. Je ne prétends pas qu’ils fassent des miracles, mais ils nous en font faire en changeant, par leurs bonnes inspirations, nos instincts d’égoïsme et de lâcheté en élans de courage et de dévoûment. Cela vous étonne, mon cher patron, et pourtant je vous ai quelquefois entendu dire en beau langage que, dans l’étude de la science, la nature nous parlait par toutes ses voix, qu’elle nous détachait ainsi de l’ambition et de la vanité, enfin qu’elle nous conservait purs et nous rendait meilleurs. J’ai bu vos paroles, et ces voix de la nature, je les ai entendues. Je me suis enivré de leur magie, je ne puis vivre sans les écouter. Elles ne me parlent point ici ; laissez-moi partir. Elle me commanderont certainement de revenir vous apporter le résultat de mes découvertes, comme déjà elles m’ont commandé d’aller faire soumission à mes parents, et je reviendrai ; mais laissez-moi les suivre, car en ce moment elles m’appellent et veulent que je devienne un vrai savant, c’est-à-dire un véritable élève, de la nature.