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Nous arrivions à l’enclos en palissade qui était comme le jardin de l’habitation. À vrai dire, les légumes n’étaient pas variés, je crois qu’il n’y avait que des raves ; le climat, à cette hauteur, est trop froid pour mieux faire ; en revanche, les plantes sauvages étaient intéressantes, et je me promis de les examiner le lendemain matin. MIquel me pressait d’entrer dans sa demeure, qui, au milieu des chalets de planches destinés au bétail, avait un air de maison véritable. Elle était bâtie tout en marbre rougeâtre brut, avec une forte charpente très-basse, couverte de minces feuillets de schiste en guise de tuiles ; elle pouvait braver les deux mètres de neige sous lesquels elle était ensevelie tous les hivers. À l’intérieur, des meubles massifs en sapin, deux bonnes chambres bien chauffées. Dans l’une, les sœurs couchaient et travaillaient à la confection des repas ; dans l’autre, Miquel avait son lit, un vrai lit, sans draps il est vrai, mais garni de couvertures de laine fort propres, une armoire, une table, trois escabeaux et une douzaine de volumes sur un rayon.

— Je vois avec plaisir que tu sais lire, lui dis-je.

— Oui, j’ai appris un peu avec les autres, et davantage tout seul. Quand la volonté y est ! mais permettez que j’aille chercher mes sœurs.

Il me laissa seul après avoir jeté dans l’âtre une brassée de branches de pin, et je regardai ses livres, curieux de voir en quoi consistait la bibliothèque de l’ex-mendiant. À ma grande surprise, je n’y trouvai que des traductions de poëmes de premier choix : la Bible, l’Iliade et l’Odyssée, la Luisiade, Roland furieux,