Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/355

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l’araignée, tandis que, poussé comme par l’ouragan, je dégringolais au bas du rocher.

Quand je fus là, je rentrai en moi-même. Puisque cette petite araignée avait vécu toute sa vie dans la gueule du géant sans s’inquiéter de ses caprices, et qu’elle y eût vécu toujours, si je ne l’eusse dérangée, pourquoi ne m’arrangerais-je pas pour vivre à côté de mon ennemi, sans exiger qu’il allât plus loin ? N’était-il pas fort bien là étendu sur son dos, les pieds appuyés sur les blocs qui avaient été jadis son piédestal, et le corps placé de manière à arrêter la glissade des neiges ? Je remontai vers lui, et me plaçant contre une de ses larges oreilles, car ma voix devait lui sembler aussi faible que m’avait semblé celle de l’araignée : — Tu prétends, lui dis-je, que tu es bien là, et que tu veux y rester ?

— Oui, répondit la formidable voix qui paraissait lui sortir du ventre ; j’y resterai quand tu m’y auras fait mon lit.

— Ah ! vraiment, il faut un lit à monsieur ! repris-je en éclatant de rire, un lit de duvet peut-être ?

— Je me contenterai d’un bon lit de sable ; mais il faut un creux pour ma tête, un creux pour chacun de mes membres, et surtout un grand creux pour mes reins, afin que je puisse dormir sans glisser. Allons, vite, arrange-moi ça, et tâche que je sois bien, sinon je retournerai m’étendre dans ton pré, où, sauf que tu me chatouilles de temps en temps en essayant de me travailler, je ne me trouve point mal.

— Il est de fait, dit une voix humaine à côté de