Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/91

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pensant qu’elle se trouvait mal ; mais elle les rassura et, sans leur dire la vision qu’elle venait d’avoir, elle demanda à son père s’il était vraiment un peu content de son ouvrage.

— Je n’en suis pas seulement content, répondit-il ; j’en suis ravi et bouleversé. Je te fais réparation, mon enfant ; tu as le feu sacré, et avec cela une connaissance du dessin très au-dessus de ton âge. Continue sans te fatiguer, travaille, espère, doute souvent de toi-même, cela est fort bon, mais moi, je n’en doute plus et j’en suis bien heureux !

Ils s’embrassèrent en pleurant. Puis, Flochardet pria sa fille de le laisser parler affaires avec le docteur, et elle se retira dans sa chambre où elle se trouva seule, Geoffrette ayant été déjeuner. Alors Diane courut à son secrétaire et y prit la boîte de maroquin qu’elle avait liée d’un ruban de satin noir, pour n’avoir pas la tentation de l’ouvrir trop tôt. Elle l’ouvrit enfin, se mit à genoux sur un coussin et baisa le médaillon avant de le regarder ; puis, elle ferma les yeux pour revoir dans sa pensée la figure idéale qui lui avait promis de revenir. Elle la revit bien nette, et, sûre de son consentement, elle regarda enfin le portrait. C’était bien la même figure qu’elle avait dessinée ; c’était la muse, c’était le camée, c’était le rêve, et c’était pourtant sa mère ; c’était la réalité trouvée à travers la poésie, le sentiment et l’imagination.

Diane ne se demanda pas comment le prodige s’était fait en elle. Elle accepta le fait tel qu’il se produisait et ne chercha pas comment sa raison se