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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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connaissance en considérant votre sacrifice comme l’accomplissement d’un devoir. Je le regarderai toute ma vie comme une preuve d’affection si grande, que je ne pourrai jamais assez la reconnaître. Je me dirai toujours que c’est par dévouement d’amitié, et non par principe de conscience, que vous avez accepté mes propositions, modifiées comme elles le sont par les chagrins de mon intérieur.

Je vous renvoie les deux lettres que vous m’avez confiées. Je ne m’abuse point sur le désavantage pécuniaire qui résulte pour vous d’abandonner la famille Bertrand. Personne ne comprendra le désintéressement et la noblesse de votre conduite. Votre mère seule en sera un bon juge. Je souffre, je l’avoue, de l’idée que le secret de mon intérieur sortira de vos mains. Je sais que votre mère gardera ce secret comme vous-même ; mais la mort, cet accident imprévu et inévitable, peut changer étrangement la destination des écrits. J’ai pour principe de détruire sans tarder tout papier contenant des particularités dont la découverte serait nuisible à la réputation ou au bonheur de quelqu’un. Voilà le seul motif qui m’engageait à vous prier de brûler ma lettre. Si vous la faites passer à votre mère, priez-la donc de le faire. Vous devez reconnaître comme moi l’utilité de cette mesure. Si quelque autre personne que vous ou elle venait à découvrir les torts de mon mari, je me ferais un reproche éternel de les avoir retracés.

Quant à madame Saint-A…, je ne suis guère sur-