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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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pensé beaucoup ; quand vous aurez réfléchi à tout, vous n’aurez plus de goût à rien en particulier et vous écrirez par habitude. Écrivez, pendant que vous avez du génie, pendant que c’est le dieu qui vous dicte, et non la mémoire. Je vous prédis un grand succès. Dieu vous épargne les ronces qui gardent les fleurs sacrées du couronnement ! Et pourquoi les ronces s’attacheraient-elles à vous ? Vous êtes de diamant, vous à qui les passions haineuses et vindicatives ne sont pas plus entrées dans le cœur qu’à moi, et qui, en outre, n’avez pas marché dans le désert. Vous êtes toute fraîche et toute brillante.

Montrez-vous. — S’il faut des articles de journaux pour faire lire votre premier livre, j’en remplirai les journaux. Mais, quand on l’aura lu, vous n’aurez plus besoin de personne.

Adieu ; parlez de moi au coin du feu. Je pense à vous tous les jours, et je me réjouis de vous savoir aimée et comprise comme vous méritez de l’être. Écrivez-moi quand vous en aurez le temps. Ce sera un rayon de votre bonheur dans ma solitude. Si je suis triste, il me ranimera ; si je suis heureuse, il me rendra plus heureuse encore ; si je suis calme, comme c’est l’état où l’on me trouve le plus habituellement désormais, il me rendra plus religieux l’aspect de la vie.

Oui, tout ce que Dieu a donné à l’homme lui est bon, suivant le temps, quand il sait l’accepter. Son âme se transforme sous la main d’un grand artiste