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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

apercevoir. Mais on doit aimer ses amis jusqu’au bout, quoi qu’ils fassent, et je ne sais pas retirer mon affection quand je l’ai donnée. Je prévois que St…, avec les moyens de parvenir, n’arrivera jamais à rien. Je le prévois même depuis longtemps. Cette famille est fort décriée dans le pays et à trop juste titre. St… a beaucoup des défauts de ses frères, et c’est tout ce qu’on connaît de lui ; car ses qualités, qui sont grandes et belles, celles d’une âme fortement trempée, capable de grandes vertus et de grandes erreurs, ne sont pas de nature à sauter aux yeux des indifférents et à être goûtées autrement qu’à l’épreuve.

On me saura toujours mauvais gré de lui être aussi attachée, et, bien qu’on n’ose me le témoigner ouvertement, je vois souvent le blâme sur le visage des gens qui me forcent à le défendre. Je ne retirerai donc de lui rien qui puisse flatter ma vanité ; peut-être, au contraire, aura-t-elle beaucoup à souffrir de sa condition. Je craindrais, en examinant trop attentivement les taches de son caractère, de me refroidir sous ce prétexte, mais effectivement de céder à toutes ces considérations d’amour-propre et d’égoïsme qui font qu’on rapporte tout à soi, et qu’on devrait fouler aux pieds.

St… me sera toujours cher, quelque malheureux qu’il soit. Il l’est déjà, et plus il le deviendra, moins il inspirera d’intérêt, telle est la règle de la société. Moi, du moins, je réparerai autant qu’il sera en moi ses infortunes. Il me trouvera quand tous les autres lui