Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 1.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

cation est différente de la mienne ; je les gênerais en même temps que je me trouverais déplacée. Or vous êtes élevé comme moi et non comme eux. Vous ne devez donc pas être avec eux comme un égal. J’insiste sur ce reproche, auquel je n’aurais pas pensé, s’il ne m’était revenu quelque chose de semblable d’une manière indirecte, par l’effet du hasard.

Hippolyte se trouvant en patache avec un homme employé chez le général Bertrand, je ne sais plus si c’est comme ouvrier, comme domestique ou comme fermier, celui-ci bavarda beaucoup, parla de la famille Bertrand, de monsieur, de madame, des enfants, etc, etc., et enfin de M. Jules. « C’est un bon enfant, dit-il, et bien savant ; mais c’est jeune, ça ne sait pas tenir son rang. Ça joue aux cartes ou aux dames avec le chasseur du général. Nous autres gens du commun, nous n’aimons pas ça ; si nous étions élevés en messieurs, nous nous conduirions en messieurs. »

Hippolyte me raconta cette conversation, qu’il regardait comme un propos sans fondement ; mais je me rappelai diverses circonstances qui me le firent trouver vraisemblable ; entre autres, votre brouillerie avec la famille du portier, brouillerie qui n’aurait jamais dû avoir lieu, parce que vous n’auriez jamais dû faire votre société de gens sans éducation.

Je le répète, l’éducation établit entre les hommes la seule véritable distinction. Je n’en comprends pas d’autre ; celle-là me semble irrécusable. Celle que