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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

que tu puisses acheter une montre pareille à celle de ta sœur. Vois si tu veux une montre ou bien si tu veux un cheval arabe. » — Ce qui signifie : « Compte sur ton héritage et bois de l’eau ; tu auras ou une montre de chrysocale, ou un cheval de cinquante écus. Le reste, je le garde jusqu’à ce que tu sois grand. » Et, là-dessus, il signe comme toujours : Ton bon père, et lui annonce, pour ses étrennes, six pots de confitures dont il engage Solange à goûter, toujours pour ses étrennes. C’est à mourir de rire.

Maurice est furieux. Il n’y a pas de mal à ce qu’il ouvre un peu les yeux et voie par lui-même les procédés de son bon père. Du reste, je suis très contente du gamin. Il travaille comme un nègre, et Delacroix m’a dit que, quoiqu’il fût le plus nouveau de l’atelier, il était déjà le plus fort. Il dit qu’il sera un grand peintre, s’il continue à le vouloir ; et, quand Delacroix, qui est très féroce avec ses élèves, dit de pareilles choses, c’est bon signe. Ce succès a encouragé Maurice. Il passe ses journées à l’atelier, où, après avoir travaillé quatre heures au modèle, il fait deux heures d’anatomie avec un professeur que les élèves se sont donné en se cotisant et qui leur fait un cours complet à l’École de médecine.

À cinq heures, il rentre et prend, un jour, une leçon d’italien ; l’autre jour, une leçon de littérature française avec un jeune homme très distingué qui l’intéresse beaucoup. Après dîner, jusqu’à minuit, il se remet au dessin, soit à copier des gravures des