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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

« Pourquoi le National se sépare-t-il de vous ? » Je leur dis que je n’en sais rien. — Silence donc là-dessus. Embrasse ta femme et tes enfants pour moi.

Hélas ! je crois que je t’écris pour tout l’hiver ! Je n’ai pas le temps de causer et de me laisser aller. Écris-moi toujours ; mais ne discutons plus, cela n’avance à rien. Si la Revue t’embête, en fin de compte, ne va pas croire que je trouve mauvais que tu la lâches. Nous avons des abonnés et nous n’imposons rien, même à nos meilleurs amis. J’ai la certitude qu’un jour, on lira Leroux comme on lit le Contrat social. C’est le mot de M. de Lamartine. Ainsi, si cela t’ennuie aujourd’hui, sois sûr que les plus grandes œuvres de l’esprit humain en ont ennuyé bien d’autres qui n’étaient pas disposés à recevoir ces vérités dans le moment où elles ont retenti. Quelques années plus tard, les uns rougissaient de n’avoir pas compris et goûté la chose des premiers. D’autres, plus sincères, disaient : « Ma foi, je n’y comprenais goutte d’abord, et puis j’ai été saisi, entraîné et pénétré. » Moi, je pourrais dire cela de Leroux précisément. Au temps de mon scepticisme, quand j’écrivais Lélia, la tête perdue de douleurs et de doutes sur toute chose, j’adorais la bonté, la simplicité, la science, la profondeur de Leroux ; mais je n’étais pas convaincue. Je le regardais comme un homme dupe de sa vertu. J’en ai bien rappelé ; car, si j’ai une goutte de vertu dans les veines, c’est à lui que je la dois, depuis cinq ans que je l’étudie, lui et ses œuvres. Je te supplie de