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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

à servir de caution auprès des créanciers pour une pauvre somme de quatre mille francs. C’était plus qu’il ne possédait, ou, pour mieux dire, il ne possédait rien du tout. Mais, comme les créanciers demandaient alors une garantie plutôt que de l’argent ; que le débiteur paraissait pouvoir s’acquitter en quelques années par son travail, le bon prêtre calcula que, toutes choses étant mises au pis, il pourrait lui-même, avec le temps et en se privant chaque année, arriver à faire face au désastre.

Malheureusement, le débiteur mourut peu après, ne laissant rien, et la dette retomba sur le prêtre, qui obtint un peu de temps, et qui, depuis deux ou trois ans, paye les intérêts sans avoir pu arriver à solder plus de deux cents francs sur le capital.

Maintenant, voici que les créanciers se montrent fort durs et fort pressés, qu’ils exigent ce capital sur l’heure, menacent de poursuites, de frais et de saisie, et, pour avoir exercé la charité, un prêtre respectable et excellent peut être d’un jour à l’autre exposé à un scandale, à une honte poignante.

Si j’avais eu quatre mille francs, j’aurais à l’instant même fait cesser l’inquiétude et la douleur de ce bon curé. Mais son histoire est la mienne, avec la différence que ce qui lui est arrivé une fois m’est arrivé plus de vingt fois, et que, dans la proportion de mes ressources aux siennes, je suis encore plus gênée et empêchée que lui. Ma position de femme, c’est-à-dire de mineure aux yeux de la loi (mineure de quarante ans,