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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

tour robuste et frais qui vous constitue une individualité véritable. Ce sont aussi les strophes qu’on a remarquées et goûtées ici, où il y a tant de poètes, où l’on publie tant de milliards de vers par semaine ; où l’on est si blasé, si ennuyé de poésie, si difficile et si moqueur ; ici, où l’on a tout chanté, le ciel, la mer, l’amour, l’orage, la solitude, la rêverie, enfin tout ce que chantent les poètes, on ne connaît pas la poésie du peuple, et c’est la Revue indépendante qui a osé la découvrir un beau matin.

Si vous voulez n’être pas perdu dans la foule des écriveurs, ne mettez donc pas l’habit de tout le monde ; mais paraissez dans la littérature avec ce plâtre aux mains qui vous distingue et qui nous intéresse, parce que vous savez le rendre plus noir que notre encre. Ceci est une pure question littéraire. Mais, je le répète, soyez homme du peuple jusqu’au fond du cœur, et, si vous vous préservez de la vanité et de la corruption des classes moyennes ou supérieures, comme on les appelle, tout ira bien. Autrement votre force ne s’étendra pas au delà d’un certain point et ne passera pas les limites du clocher.