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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Vous me reprochez de haïr l’Angleterre à la française. Non, ce n’est pas à ce point de vue que je la hais ; car je crois à son avenir, je compte sur son peuple.

J’y vois éclore le chartisme, qui est notre phase, et je ne doute pas qu’elle ne soit le bras du monde que je rêve et que j’attends, comme nous en serons, Espagnols et Français, le cœur et la tête.

Mais ce que vous dites de la politique d’intérêt personnel des cabinets, appliquez-le à ma haine pour l’Angleterre ; je hais son action présente sur le monde, je la trouve injuste, inique, démoralisatrice, perfide et brutale ; mais ne sais-je point que les victimes de ce système affreux sont là en majorité, comme chez nous les victimes du juste-milieu ?

Je ne hais point ce peuple ; mais je hais cette société anglaise ; de même, je ne haïssais point l’Espagne en y passant, mais j’exécrais cette action de Christine et de don Carlos, qui rapetissaient et avilissaient momentanément le caractère espagnol. Aujourd’hui, l’Espagne a de grandes destinées devant elle. Y entrera-t-elle d’un seul bond ? Aura-t-elle encore des défaillances et des délires de malade ? Qu’importe ? rien de ce qu’elle fait de bon aujourd’hui ne sera perdu, et vous n’avez pas sujet de désespérer. Poussez à la fraternité, faites des vœux pour que le régent ait un bras de fer contre les conspirations. Ces insultes du cabinet français ne sont pas si funestes. Elles font sentir au duc de la Victoire que sa mission est une grande