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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

comprend plus rien. Vous semblez pressés de vous faire oublier en France et d’obtenir le pardon du bien que vous avez tenté. Vous parlez de régénérer des peuples qui n’existent pas encore. En fait, vous vivez par la grâce de Louis-Philippe. Et vous ? vous voilà rédacteur des Débats, ni plus ni moins que mon ami Janin.

Taisez-vous, relaps ! vous feriez mieux de monter une boutique de savetier et de ressemeler de vieilles bottes. Voyez à quelles concessions vous êtes obligé de descendre pour faire avaler à M. Bertin l’émission de vos idées sur le despotisme de Mohammed-Ali !

En vérité, le juste milieu ne s’embarrasse guère des libéraux des bords du Nil, pourvu qu’en leur faisant des compliments, vous ôtiez votre chapeau bien bas devant la poire royale. C’est ce que vous faites.

Vous dites : « En 1830, la France a mis la dernière main à son système de liberté ; la liberté humaine, la dignité de l’individu ont été constituées d’une manière désormais indestructible, etc. ! » et mille autres blasphèmes qui feraient jurer Michel comme un possédé, et qui, à moi, me font peine.

Certainement, si vous raisonnez comme Thiers et Guizot ; si la liberté est pour vous compatible avec la monarchie ; si la dignité humaine, sans l’égalité, vous paraît admissible ; si vous appelez abolition des distinctions sociales le principe qui serre comme un étau, dans le cœur de l’homme, l’amour de la propriété, l’égoïsme, l’oubli complet du pauvre, qui