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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CLXXVIII

À M. DUTEIL, À PÉRIGUEUX


Nohant, 30 septembre 1837.


Mon Boutarin,

Que deviens-tu ? Quand reviens-tu ? Crois-tu que je puisse vivre sans toi longtemps ? Illusion, mon aimable ami ! Je crie comme un aigle, depuis que je suis privée de toi. Que veux-tu que je devienne quand j’ai le spleen (et Dieu sait si je l’ai souvent !) ? Quand j’ai envie de rire, à qui veux-tu que je dise des bêtises qui soient appréciées ?

La race humaine peut-elle jurer, comme moi, dans la colère ? peut-elle abdiquer, comme moi, jusqu’à la dernière parcelle d’intelligence, dans la belle humeur ? Toi seul, toi et Rollinat, qui ne faites qu’un pour moi, pouvez m’aider à porter ce fardeau de moi-même, insupportable à moi et aux autres. Et Rollinat qui n’est pas là non plus ! Il arrive du Havre et repart pour Vienne, conduire sa sœur Juliette, qui va être gouvernante je ne sais dans quel pays sarmate autant qu’inconnu. Je n’ai pas seulement pu le voir. J’arrive… Devine d’où ? De la frontière d’Espagne !

Ah ! il s’est passé bien des choses depuis que nous nous sommes quittés. D’abord, je m’en allais voir ma