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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

vant trouver une heure de loisir, je ne vous écrivais pas, comptant le faire aussitôt que ma pièce serait jouée[1] et mes autres affaires éclaircies. Je devais passer une quinzaine à Paris. Les événements sont survenus. Je n’avais aucune inquiétude pour mon compte et je voulais rester. Mais je me suis inquiétée pour Maurice, que j’avais laissé à Nohant. Le mouvement des provinces était à craindre ; nous aimons beaucoup le peuple, et, à cause de cela, pour rien au monde nous ne lui eussions conseillé de se soulever, à supposer que nous eussions eu de l’influence. Je ne sais si les autres socialistes pensent comme moi, mais je ne voyais pas dans le coup d’État une issue plus désastreuse que dans toute autre tentative du même genre, et je n’ai jamais pensé que les paysans pussent opposer une résistance utile aux troupes réglées. Ce n’est pas que le peuple ne puisse faire quelquefois des miracles ; mais, pour cela, il faut une grande idée, un grand sentiment, et je ne crois pas que cela existe chez les paysans à l’heure qu’il est. Ils se soulèvent donc pour des intérêts, et, dans le moment où nous vivons, leur intérêt n’est pas du tout de se soulever.

Je craignais donc un soulèvement, — non pas chez nous, nos paysans sont trop bonapartistes, mais non loin de nous, dans les départements environnants, — et un passage où l’on se trouve compromis entre les gens qu’on aime et qu’on blâme, et ceux qu’on

  1. Le Mariage de Victorine.