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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

les opinions et la présomption des intentions, les gens incarcérés comme suspects avaient droit à la liberté et allaient l’obtenir. Deux fois, on a pris la liste ; deux fois, on a donné des ordres sous mes yeux, et dix fois, dans la conversation, le président et le ministre m’ont dit, chacun de son côté, qu’on avait été trop loin, qu’on s’était servi du nom du président pour couvrir des vengeances particulières, que cela était odieux et qu’ils allaient mettre bon ordre à cette fureur atroce et déplorable.

Voilà toutes mes relations avec le pouvoir, résumées dans quelques démarches, lettres et conversations, et, depuis ce moment, je n’ai pas fait autre chose que de courir de Carlier à Piétri, et du secrétaire du ministre de l’intérieur à M. Baraguay, pour obtenir l’exécution de ce qui m’avait été octroyé ou promis pour le Berry, pour Desages, puis pour Fulbert Martin, acquitté et toujours détenu ici ; pour madame Roland, arrêtée et détenue ; enfin, pour plusieurs autres que je ne connais pas et à qui je n’ai pas cru devoir refuser mon temps et ma peine, c’est-à-dire, dans l’état où j’étais, ma santé et ma vie.

Pour récompense, on me dit et on m’écrit de tous côtés : « Vous vous compromettez, vous vous perdez, vous vous déshonorez, vous êtes bonapartiste ! Demandez et obtenez pour nous ; mais haïssez l’homme qui accorde, et, si vous ne dites pas qu’il mange des enfants tout crus, nous vous mettons hors la loi. »

Cela ne m’effraye nullement, je comptais si bien là-