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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Vous n’avez, je crois, ni vu jouer ni lu la pièce représentée et publiée, et vous racontez, vous citez celle qui n’a été ni publiée ni représentée. Ce procédé de critique n’est loyal ni envers l’auteur, ni envers le public, ni envers vous-même, mon cher confrère, et, si vous n’étiez gravement affecté, ce que je regrette et déplore sans en savoir la cause, vous n’agiriez pas ainsi.

Que je n’aie pas été satisfaite de ma pièce de la Baronnie de Muhldorf[1], cela est certain, puisque je l’ai refaite à peu près entière ; que le caractère du bourgeois Keller y fût trop durement accusé au point de vue de l’art, cela n’est pas douteux, puisque j’ai changé ce caractère, essentiellement.

Je dis au point de vue de l’art ; car, au point de vue moral, la bourgeoisie n’était pas là plus gravement offensée qu’elle ne l’est dans Maître Favilla. Eussé-je fait du père Keller un monstre, le fils Keller n’en restait pas moins un noble cœur, et même, dans ma première ébauche, ce dernier personnage était plus développé et plus actif.

Aucun de mes coreligionnaires à moi (car je suis de la religion de l’égalité chrétienne, et plusieurs pensent comme moi) ne m’eût reproché de lui montrer un jeune bourgeois enthousiaste et généreux. Pourquoi ceux qui professent la doctrine de l’autorité par la richesse eussent-ils trouvé mauvais qu’un gros bourgeois dur et vicieux leur fût présenté ? Quelle haine

  1. Titre primitif de Maître Favilla.