vons. Aussi les grands artistes sont-ils souvent infirmes, et plusieurs ont été impuissants. Quelques-uns, trop puissants par le désir, se sont épuisés vite. En général, je crois que nous avons des joies et des peines trop intenses, nous qui travaillons du cerveau. Le paysan qui fait, nuit et jour, une rude besogne avec la terre et avec sa femme, n’est pas une nature puissante. Son cerveau est des plus faibles. Se développer dans tous les sens, vous dites ? Pas à la fois, ni sans repos, allez ! Ceux qui s’en vantent blaguent un peu, ou, s’ils mènent tout à la fois, tout est manqué. Si l’amour est pour eux un petit pot-au-feu et l’art un petit gagne-pain, à la bonne heure ; mais, s’ils ont le plaisir immense, touchant à l’infini, et le travail ardent, touchant à l’enthousiasme ; ils ne les alternent pas comme la veille et le sommeil.
Moi, je ne crois pas à ces don Juan qui sont en même temps des Byron. Don Juan ne faisait pas de poèmes, et Byron faisait, dit-on, bien mal l’amour. Il a dû avoir quelquefois — on peut compter ces émotions-là dans la vie — l’extase complète par le cœur, l’esprit et les sens ; il en a connu assez pour être un des poètes de l’amour. Il n’en faut pas davantage aux instruments de notre vibration. Le vent continuel des petits appétits les briserait.
Essayez quelque jour de faire un roman dont l’artiste (le vrai) sera le héros, vous verrez quelle sève énorme, mais délicate et contenue ; comme il verra toute chose d’un œil attentif, curieux et tranquille,