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DCXCIV

À GUSTAVE FLAUBERT, À CROISSET


Nohant, 24 février 1869.


Je suis toute seule à Nohant, comme tu es tout seul à Croisset. Maurice et Lina sont partis pour Milan, pour voir Calamatta dangereusement malade. S’ils ont la douleur de le perdre, il faudra que, pour liquider ses affaires, ils aillent à Rome ; un ennui sur un chagrin, c’est toujours comme cela. Cette brusque séparation a été triste, ma pauvre Lina pleurant de quitter ses filles et pleurant de ne pas être auprès de son père. On m’a laissé les enfants, que je quitte à peine et qui ne me laissent travailler que quand ils dorment ; mais je suis encore heureuse d’avoir ce soin sur les bras pour me consoler. J’ai tous les jours, en deux heures, par télégramme, des nouvelles de Milan. Le malade est mieux ; mes enfants ne sont encore qu’à Turin aujourd’hui et ne savent pas encore ce que je sais ici. Comme ce télégraphe change les notions de la vie, et, quand les formalités et formules seront encore simplifiées, comme l’existence sera pleine de faits et dégagée d’incertitudes !

Aurore, qui vit d’adorations sur les genoux de son père et de sa mère et qui pleure tous les jours quand