Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/18

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qui ne l’ont pas voté sont les plus modérés. Ils disent qu’ils avaient prévu la guerre. Les autres, qui n’y comptaient pas et qui votaient par crainte des troubles, se voient lésés dans leur quiétude, dans leurs affections de famille, dans leurs intérêts. Ils prévoient un monstrueux surcroît d’impôts à la suite d’une saison désastreuse. Voilà pour la campagne.

À Paris, je sais que c’est pire ; on sait que rien n’était prêt pour la guerre, et on regarde comme un crime de ne l’avoir pas évitée ou retardée à tout prix. Je ne vous dis pas mon opinion personnelle : je n’en ai pas, ne sachant si la nécessité était absolue. Enfin l’empereur risquera plus en rentrant à Paris qu’en faisant face aux Prussiens.

Qu’allez-vous faire, vous ? Vous vous tiendrez devant l’ennemi tant qu’il le faudra ; mais après ? Je ne vous dis pas de me répondre, ce n’est pas la curiosité qui me fait vous interroger. Répondez-vous à vous-même ; mais sachez bien que la République va renaître et que rien ne pourra l’empêcher ; viable ou non, elle est dans tous les esprits, même quand elle devrait s’appeler d’un nom nouveau, j’ignore lequel.

Moi, je voudrais qu’une fois vos devoirs de famille remplis, vous puissiez vous réserver, je ne dis pas comme prétendant, — vous ne le voulez pas plus que moi, vous avez la fibre républicaine, — mais comme citoyen véritable d’un état social qui aura besoin de lumière, d’éloquence et de probité. Un homme comme vous a un beau rôle à jouer, dans l’avenir, quel que