Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/192

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celle de l’homme. Il avoue qu’il ne la connaissait pas ; mais il ne l’avoue pas naïvement, il encadre de trop d’orgueil ce qui n’est chez lui qu’une facilité d’assimilation de la forme littéraire à un sujet qui ne lui était pas familier. Cette facilité est très grande et très belle. Cela ne suffit pas pour l’autoriser à découvrir — en tremblant et en invoquant la nature comme une divinité dont il serait l’oracle inspiré — qu’en même temps que le monde modifie ses formes, les êtres organisés modifient les leurs ; un enfant de six ans sait cela. Il faut avoir en toute sa vie l’esprit à l’envers pour ne pas l’avoir vu.

Je fais bon marché de beaucoup d’affirmations qui ne sont pas justes par rapport à la succession des formes et à l’époque certaine de leur apparition. Il se trompe sur la foi de beaucoup d’autres. Pour les redresser, il eût fallu une vie d’études spéciales, et il écrit, impatient de faire connaître ce qu’il vient d’apprendre. Mais il est généralement trop affirmatif sur des points que la science n’a pu juger sans appel ou qu’elle aura à redresser plus tard. Conclusion : on n’entre pas dans certains sanctuaires, quand on a passé le temps d’y entrer porté par l’amour du dieu qui s’y révèle. On tourne alentour, à force d’intelligence et d’habilité, on en approche, on saisit quelques rayons, on ne voit pas la figure du dieu. Ceux qui l’ont vue n’ont pas de paroles pour la peindre et point de compas pour la mesurer. Ils en restent éblouis et préfèrent l’aridité des savants, qui n’expliquent rien,