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DCCLIV

À M. EDMOND PLAUCHUT, À PARIS


Nohant, 26 août 1870.


Comment vas-tu ? quelles nouvelles des tiens ? Nous vivons toujours dans l’anxiété. Maurice est enragé ; mais que peut-il ? Si on ne peut se joindre à personne, à quoi sert le fusil de chasse, que chacun prépare ? où joindre l’ennemi ? à quoi servir ? faut-il se faire tuer pour ne rien faire ? Il me semble que le grand mal, c’est la confusion, le défaut d’armes, de vivres, de tout ! Je sens, aux ordres que l’on donne ici et ailleurs, que l’on craint trop de monde à Paris. Est-ce mesure de prudence en cas de siège ? est-ce crainte du gouvernement, dont la grande préoccupation serait de ne pas se voir entouré de trop d’hommes armés et mécontents de lui ? on vit dans un inconnu perpétuel et on s’épuise, on s’abrutit en commentaires. Moi, je ne dis plus rien. Je souffre en silence et je souffre atrocement.

Vous êtes moins malheureux à Paris : vous vous organisez, vous vivez ! Ici, ce calme plat de la campagne, ce silence des champs, au lieu de m’enivrer comme d’habitude, m’irrite et me tue.

Ah ! si je n’avais pas de famille ! Écris-moi, mon cher enfant. Que disent et que font les Adam ? Nous