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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/282

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DCCCXCI

À GUSTAVE FLAUBERT, À PARIS


Nohant, 15 mars 1873.


Enfin, mon vieux troubadour, on peut t’espérer prochainement, j’étais inquiète de toi. J’en suis toujours inquiète, à vrai dire, je ne suis pas contente de tes colères et de tes partis pris. Ça dure trop longtemps et c’est en effet comme un état maladif, tu le reconnais toi-même. Oublie donc ; ne sais-tu pas oublier ? Tu vis trop en toi-même et tu arrives à tout rapporter à toi-même. Si tu étais un égoïste et un vaniteux, je me dirais que c’est un état normal ; mais, chez toi, si bon et si généreux, c’est une anomalie, un mal qu’il faut combattre. Sois sûr que la vie est mal arrangée, pénible, irritante pour tout le monde ; mais ne méconnais pas les immenses compensations qu’il est ingrat d’oublier.

Que tu te mettes en colère contre celui-ci ou celui-là, peu importe si cela te soulage ; mais que tu restes furieux, indigné des semaines, des mois, presque des années, c’est injuste et cruel pour ceux qui t’aiment et qui voudraient t’épargner tout souci et toute déception.

Tu vois, je te gronde ; mais, en t’embrassant, je ne