que l’autre. La vie n’est pas bourrée que de scélérats et de misérables. Les honnêtes gens ne sont pas le petit nombre, puisque la société subsiste dans un certain ordre et sans trop de crimes impunis. Les imbéciles dominent, c’est vrai mais il y a une conscience publique qui pèse sur eux et qui les oblige à respecter le droit. Que l’on montre et flagelle les coquins, c’est bien, c’est moral même, mais que l’on nous dise et nous montre la contre-partie ; autrement, le lecteur naïf, qui est le lecteur en général, se rebute, s’attriste, s’épouvante, et vous nie pour ne pas se désespérer.
Comment vas-tu ? Tourguenef m’a écrit que ton dernier travail était très remarquable : tu n’es donc pas fichu comme tu le prétends ?
Ta nièce va toujours mieux, n-est-ce pas ? Moi, je vas mieux aussi, après des crampes d’estomac à en devenir bleue, et cela avec une persistance atroce. C’est une bonne leçon que la souffrance physique quand elle vous laisse la liberté d’esprit. On apprend à la supporter et à la vaincre. On a bien quelques moments de découragement où l’on se jette sur son lit ; mais, moi, je pense toujours à ce que me disait mon vieux curé quand il avait la goutte : Ça passera ou je passerai. Et, là-dessus, il riait, content de son mot. Mon Aurore commence l’histoire et elle n’est pas très contente de ces tueurs d’hommes qu’on appelle des héros et des demi-dieux. Elle les traite de vilains cocos.
Nous avons un affreux printemps ; la terre est jon-