Page:Sand - Cosima.djvu/11

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tion et rivalité, repousse avec précipitation ce qui dérange ses habitudes et ce qui n’est pas l’imitation senile des maîtres. Le public s’éclairera avec le temps, et, si la tentative de Cosima est repoussée, elle n’en ouvrira pas moins la porte à l’introduction d’une liberté nécessaire au théâtre. Les grands artistes font accepter ce qu’ils veulent, et, l’auteur sifflé hier le répète sans amertume, le mauvais accueil qu’il a reçu ne prouve rien contre ceux qui, avec plus de talent que lui, marcheront dans la voix qu’il indique.

L’auteur de Cosima n’en dira pas davantage pour justifier son essai dramatique en tant que production littéraire ; mais il protestera avec force contre l’immoralité prétendue de son sujet.

On a crié à l’indécence durant la première représentation, avec une pensée d’interprétation si peu décente, que les gens d’un sentiment vraiment chaste se seraient volontiers voilé la face devant un public livré à des préoccupations si graveleuses. Comment m’aimez-vous ? a semblé une équivoque malhonnête. Quel est donc mon crime ? a excité des rires de mépris et d’indignation vraiment burlesques. L’auteur confesse qu’il riait aussi, au fond de sa loge, mais ce n’était pas de sa pièce seulement.

L’auteur d’Indiana et de Jacques a voulu mettre en scène l’intérieur d’un ménage. Il l’a fait souvent, il le fera souvent encore, n’importe sous quelle forme et devant quel public. Il y a beaucoup de choses dans ce sujet-là, et il y en a qu’on ne doit pas craindre de répéter toujours, au risque d’être accusé de stérilité ou d’obstination. La gloire de l’homme de lettres paraît fort légère à sacrifier, quand on a une pensée sérieuse et une volonté tranquille dans l’âme. C’est fort peu de chose que d’être raillé, je vous assure ; et je le dis à vous, jeunes artistes qui tremblez d’aborder telle ou telle carrière : si vous avez dans le cœur une bonne et généreuse conviction, vous ne sentirez pas le plus petit battement de cœur à cette première rencontre avec la masse, qu’on peut appeler sur toutes les scènes du monde le lever du rideau. Eussiez-vous caressé