Page:Sand - Cosima.djvu/118

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COSIMA, anéantie.

Vous me voyez ici, messire !

ORDONIO.

C’est me dire que, pour préserver les jours d’un époux adoré, vous voulez bien écouter, en détournant la tête, les plaintes d’un amant rebuté ! C’est grand, c’est romanesque ;… mais, entre nous, c’est parfaitement ridicule. Quittez cet air contrit, et dépouillez, de grâce, ne fût-ce qu’un instant dans votre vie, cet air de victime qui vous rend si charmante, il est vrai, mais qui ne peut m’en imposer. Voyons ! votre coquetterie n’est-elle pas assouvie, Cosima ? Ne suis-je pas arrivé à ce que vous vouliez faire de moi, un enfant, un esclave, un homme sans tête et sans cœur ? Que vous faut-il encore ? Ne suis-je pas ici à vous implorer, tandis que, là-bas, votre mari me méprise, et que chaque instant perdu à vos pieds me déshonore à ses yeux ? — Vous ne m’écoutez seulement pas !

COSIMA, absorbée.

Vous ne m’avez jamais aimée !

ORDONIO, à part.

Elle a l’air égaré ! Est-ce un jeu ? Voyons !… (Haut.) Que vous êtes belle ainsi ! cette pâleur, ces cheveux épars…

COSIMA, s’éloignant de lui avec une aversion insurmontable.

Ne me touchez pas !

ORDONIO, sèchement.

Ah çà ! vous me fuyez avec une répugnance !… Si c’est une comédie pour me retenir en me flattant d’un vain espoir, et me faire manquer en pure perte à un rendez-vous d’honneur, ne comptez pas que je m’y laisse prendre. Il va froidement prendre son épée et feint de vouloir sortir.

COSIMA, hors d’elle-même.

Ne vous contenterez-vous pas de ma soumission ? faudra-t-il y ajouter la feinte ? Mon Dieu ! dois-je avoir le sourire sur les lèvres quand j’ai la mort dans l’âme ?

ORDONIO.

Et lorsque je vous fais horreur, n’est-ce pas Cosima ? Oh !