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ACTE DEUXIÈME

Même décoration qu’à l’acte précédent.



Scène Première


COSIMA, dévidant de la soie ; puis ORDONIO.


COSIMA.

Il fut un temps où je me croyais malheureuse, parce que ma vie se consumait dans une paisible oisiveté ; où je trouvais l’isolement au milieu de la famille, la terreur à l’abri des tendres sollicitudes, l’impatience de l’avenir au sein d’un présent calme et pur. Les temps sont bien changés ! À l’ennui a succédé la douleur, à la famille la solitude, à la sécurité l’épouvante ! Oh ! que de malheurs en peu de jours ! Mon mari prisonnier, Néri criminel, tous deux à la veille de subir peut-être une horrible sentence ! Tous nos amis consternés, craignant d’être réputés complices du crime qui pèse sur nous, ou m’accusant dans leur cœur d’en être la cause honteuse !… Moi-même troublée, effrayée jusque dans le sanctuaire de ma conscience, et n’osant plus chercher ma force dans les pratiques d’une religion qui condamne mes pensées avant même qu’elles soient écloses !… Est-il donc si difficile de lire dans son propre cœur ? — Ah ! si rien n’eût été changé dans cette vie que je maudissais, il me semble que je n’aurais jamais connu le remords… Mais, à présent qu’ils l’ont tué, cet homme, puis-je donc chérir ses meurtriers ? Et où sera mon refuge, si un regret criminel vient se mêler à l’horreur de mes pensées ? (Elle tire une lettre de son sein.) La seule faute que j’aie commise, c’est depuis qu’il n’est plus ! (Ordonio Éliséi, enveloppé d’un manteau, paraît à la portière de tapisserie qu’il soulève sans bruit ; il s’approche avec précaution jusque derrière le fauteuil de Cosima.) Jamais je n’aurais ouvert cette lettre sans le crime de l’insensé Néri ! J’avais remis toutes les autres à mon confesseur sans les lire ; mais, maintenant que je n’en recevrai plus, je ne puis me résoudre à détruire le dernier gage